Baba Tunde Jean Rouch, le curieux du divin
L’opportunité que vous m’offrez d’intégrer une résidence pour me consacrer tout entier à la mémoire de Jean Rouch est une bénédiction.
Une bénédiction artistique au regard de la démarche que je poursuis en tant que chorégraphe : la recherche de formes susceptibles de convoquer des idées. Je vous livre aujourd’hui l’état d’avancement de ma réflexion. Ce sont des pistes, un travail en cours. Et à vous qui connaissez mieux que qui compte l’œuvre de Jean Rouch, permettez-moi d’extraire une idée à mon sens fondamental de son travail. Pourquoi le centenaire de Jean Rouch est célébré dans tous les pays francophones y compris l’Iran ? C’est parce qu’il a révélé l’idée maîtresse qui jaillit de tous les contes de société moderne et traditionnelle de l’Afrique Noire : le thème « des vivants et des morts ».
L’ethnologue et réalisateur, qualifié par Godard comme le fondateur initial de la nouvelle vague, a documenté la permanence de « la mort et la renaissance » à travers la poésie orale ou écrite c’est-à-dire le conte. Interrogé sur France Culture, Jean Rouch cite une phrase extraite de l’anthologie nègre de Blaise Cendras : « les contes africains nous apprennent à répondre aux questions sur la mort ». Les pistes de réflexions autour de cette idée ne manquent pas. Le culte des morts est pratiqué depuis la Grèce Antique avec les Dieux renaissants : Orphée et Dionysos. Cela est d’autant plus vrai qu’après la seconde guerre mondiale c’est Jean-Paul Sartre qui évoque l’Orphée noire dans sa préface dans le recueil de poèmes « Champs d’ombres » de Léopold Sédar Senghor. La fin de la guerre coïncide justement avec la création de la Maison d’Edition Présence Africaine. Son créateur le Sénégalais Alioune Diop publie le poème « Le souffle des ancêtres » de Birago Djoup, manifeste vibrant d’une vie après la mort. Cette certitude africaine est également familière des afro-descendants caribéens et brésiliens dans le culte vaudou inspiré par le Dieu Fon ou le Dieu Yorouba Orisha.
Mon travail s’inscrit dans cette réflexion. Il s’enrichit d’autant plus que je porte depuis plusieurs années de l’intérêt à l’étude de la culture égyptienne pharaonique qui m’a révélée le drame du Dieu Osiris Awsar.
Dans le cadre de cette résidence je voudrais immortaliser Jean Rouch comme le Baba Tunde un père revenant. Sa contribution à révéler les valeurs sacrées et profanes de l’Afrique noire font de lui un ancêtre dans la chaine des transmetteurs de la mémoire et des techniques cinématographiques.
En l’état actuel de ma recherche il serait question d’une performance de 35 minutes, fruit d’un travail in-situ nourrit des foisonnantes pratiques du rituel d’immortalisation. D’ors et déjà j’invite tout danseur (poète) intéressé par le projet à s’approprier le poème « souffle des ancêtres » comme base de travail en devenir.
KORA CORPS
CORPS A CORPS
AMOUR COMBAT
CORPS DE KORA
CORPS DE FEMME
HANCHES DE FEMME
MOUVEMENT DU CORPS DE L'HOMME
CORPS A CARESSE
FRAPPER LES CORDES
LUTTTE SENEGALAISE
CORPS QUI SEMPOIGNENT
CORPS QUI S'ÉLOIGNENT
CORPS QUI RAPPROCHENT
CORPS QUI SE TOUCHENT
CORPS QUI BOUGENT
CORPS IMMOBILES
CORPS QUI VIBRENT
CORPS QUI TRANSPIRENT
CORPS QUI RÉSONNENT
CORPS QUI RAISONNENT
CORPS QUI MURMURENT
CORPS QUI CHANTENT
CORPS QUI CRIENT
CORPS QUI DANSENT
CORPS QUI PLEURENT
CORPS QUI RAMPENT
KORA AIMER
KORA HAÎR
KORA CARESSER
KORA TOUCHER
KORA PRENDRE
A CORPS ET A CRIS
KORA COEUR
Thi.Mai Tran-Sissoko
OUT OF HOME - OUBÉKÜ
Une performance dansée dans les artères de Dakar.
Le projet
Ici, une case du quartier du Grand-Yoff ; là, une belle maison au cœur du Plateau. Ailleurs aussi, une habitation de Colobane. Leur point commun est d’avoir été retenues pour le projet «Out of home - Oubékü».
Stéphane Mensah, danseur et chorégraphe, propose à des habitants de Dakar de réaliser une danse improvisée sur le perron de leur maison. Il ne s’agit pas d’un spectacle, il n’est pas non plus question d’une démarche documentaire. Il est question de danse et de danse uniquement. La danse est partout, invisible. Un corps qui marche est un corps qui danse. Pour Stéphane Mensah, « ce projet est une recherche en temps réel, c’est un questionnement de la danse avec la rue. Il s’agit de matérialiser, le temps d’une danse, un espace ouvert et curieux. Dans une ville où le perron, le trottoir, ne sont pas des espaces publics mais des territoires semi-privés, la danse est le medium qui permet de délimiter un périmètre où se fera la rencontre avec l’habitant dakarois ».
Les acteurs
Le projet «Out of home - Oubékü» sera mené dans une sereine urgence pour produire toute la matière de l’exposition (sons, films, photographies). Il s’agira de capter des moments uniques : un lieu, une lumière, une danse. La perméabilité à l’ambiance du lieu et à l’atmosphère qui s’en dégage détermineront le choix d’un cadre et l’amplitude du geste. C’est un projet ouvert qui réunira autour de Stéphane Mensah les artistes lyonnais et dakarois FO2 (Jean François Dougnaglon Lyon) et Mamadou Diop (Dakar), les artistes Zulu M'baye et Moussa Absa Sene à Dakar et Amadou Elimane kane, poète et écrivain (Paris) et Jean-Marc Gourdon, photographe et videaste (Paris). Tous éprouvent et partagent une approche transversale humaniste commune de leur art – danse, musique, poésie, peinture, photographie, cinéma.
L’exposition
Au final, quelques jours de post-production permettront de disposer d’un ensemble cohérent de la matière recueillie. Idéalement, le lieu d’exposition disposera d’un équipement permettant de diffuser une bande sonore mêlant musique et prise de son dans la rue, et un retro-projecteur pour la diffusion du ou des films montés.